Tour à tour préposé à l’entretien ménager, décorateur de limousines et vendeur d’automobiles, Amadou Gado (qui préfère préserver son anonymat) est un jeune immigrant originaire du Niger pour qui la ténacité, le courage et le partage ne sont pas de vains mots face à l’intégration. Installé au Canada depuis trois ans pour étudier, ce Montréalais de 24 ans a accepté de nous raconter son défi de l’intégration et son souci permanent de tendre la main à ses « frères » immigrants. Une démarche salvatrice pour nombreux d’entre eux soucieux de faire bouillir la marmite.
À Montréal, les citoyens s’occupent. Certains sont dentistes, ingénieurs, acteurs, journalistes et d’autres, facteurs, chanteurs, étudiants, commerçants, fleuristes ou même agents de nettoyage comme Amadou qui, durant toute la semaine, ne fait rien d’autre que de travailler pour essayer de s’offrir un mode de vie légèrement décent.
Des milliers de kilomètres le séparent depuis trois ans de son Niger natal. Le Canada, il y est venu pour continuer ses études. Mais par la force des choses il est obligé de trouver d’abord un emploi, ou plus exactement trois emplois pour au moins arrondir les fins de mois. Après avoir été hébergé pendant trois jours chez une connaissance à son arrivée dans la métropole, il était impératif pour lui de se parer de la débrouillardise afin d’avoir sa propre demeure. Ainsi, l’expérience de la vie canadienne prend le pas sur toute autre priorité. Arrivé un mois de février sous une température à ne pas rigoler, cet orphelin d’une famille polygame tord carrément le cou du ‑23 degrés Celsius qui prévaut dans la métropole et qui semble lui barrer chemin. Après maintes recherches d’emploi, il se recroqueville dans une manufacture de la place.
Si le réalisme de ce jeune garçon se fait tout de suite sentir, il n’en demeure pas moins qu’il reste incomparable à certains nouveaux arrivants pour qui la chose la plus redoutable de tous les temps reste « l’hiver canadien » comme ils appellent.
« Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes personnes »
Pour la première fois de sa vie, Amadou va travailler. Pas dans un bureau quatre étoiles mais dans une manufacture. Il n’aime pas ce qu’il fait. Néanmoins, il est loin d’abandonner malgré l’ambiance lourde du travail à exécuter. Le jeune homme est obsédé par la capacité de s’en sortir tout seul. Dans cette place, des travailleurs, des immigrants, des pères de familles en grand nombre, récoltaient facilement 20−30−35 ans de travail à la manufacture, transpirant la sueur du désespoir, celle de l’obligation de résultat et de survie. Résistant pour certains, et retournant dans leur continent pour d’autres. Découragé de voir ces personnes, qui avaient enterré leurs rêves et leurs diplômes pour nourrir leurs familles, le jeune garçon de 24 ans démissionne par prudence et revendique le droit de pouvoir faire autre chose, d’où le début d’une escapade dans l’entretien ménager.
C’est une véritable machine à bosser. À lui tout seul et pendant toute la semaine, il fait du nettoyage dans les bureaux administratifs, aide pour la décoration des limousines et pour la vente d’automobiles.
Amadou s’assume dans son ouvrage. Normalement son travail d’entretien ménager se fait loin des regards, de 17h30 à 1h du matin. Toutefois, il est toujours prompt à remplacer un collègue à l’extérieur et il n’en éprouve aucune honte. Il y met toute son attention et tout son respect. Ça peut même être très exaspérant de le voir toucher les mouchoirs remplis de crasse laissés par les clients. Conscient de l’a priori que des gens ont sur ces métiers, il réplique que son objectif c’est d’accomplir « sa feuille de route », de bien le faire, de gagner sa vie et de payer ses études.
L’intégration signée Amadou Gado, un tremplin pour accéder à ses rêves
Lorsqu’on lui demande c’est quoi le plus important pour lui dans la vie, on s’attend à une de ces réponses sortie de nulle part. Et bien, pour ce personnage tranquille, c’est avoir de très bons rapports avec les gens, la politesse, la vie en famille et subvenir à ses besoins. Est-ce trop pour celui qui définit le mot intégration comme étant « la possibilité de se sentir à l’aise dans son pays d’accueil, la capacité pour l’immigré de se familiariser avec la culture, bien connaître l’environnement et trouver du travail » ? Quoiqu’il en soit, ce jeune musulman à l’apparence timide et fier partisan de la tolérance affirme s’être bien intégré parce que grâce à ses multiples péripéties et à sa témérité il connaît tous les coins et recoins pour trouver « un job ». En plus, grâce à ses relations avec certaines agences de placements, il est fier de donner un coup de main à ses « frères immigrants » qui ont du mal à trouver du travail. Au début il était payé pour ses faveurs, mais à présent il dit soutenir les immigrants en raison de son attrait noble « pour aider autrui » et diminuer leurs souffrances.
Il ne se considère pas comme un immigrant qui a réussi, en aucun moment. Cependant, il est habité par un rêve qu’il prend patience de nourrir depuis trois longues années : rentrer aux études. Par mois, la somme de toutes ses multiples activités lui donnent en retour un salaire à la hauteur pour payer ses cours débutant l’hiver prochain à l’Université de Montréal en géologie, après l’obtention d’un premier diplôme en Gestion financière informatisée au Collège CDI à Montréal.
Le fait d’arriver dans une ville multiculturelle et d’avoir des convictions a énormément facilité l’intégration de ce jeune désormais Montréalais. Aux nouveaux arrivants, il ne manque pas de partager ses expériences tout en leur demandant de rester debout, éveillé et de porter sans cesse un regard salutaire et permanent sur les raisons qui les ont poussés à sortir de leur pays d’origine.
Quelques pépites sympas sur Amadou
- Sa couleur préférée : blanc.
- Sa chanson préférée : Je suis seul au monde (Corneille).
- Ses raisons d’aimer le Canada : la langue française qui prédomine au Québec, Montréal multiculturelle.
- Son plat : Les boulettes de viande accompagnées de légumes.
- Sa boisson : le jus d’orange.
- Sa citation préférée : « Être plongeur dans un restaurant n’a rien d’humiliant. Vos grands-parents utilisaient un terme différent pour décrire ce genre de boulot, ils appelaient cela s’ouvrir des portes » Bill Gates.