Paf ! Paf ! Paf ! On dirait trois coups de lingette donnés aux vieux meubles poussiéreux longtemps délaissés ! Ici, c’est cette ex-vice-présidente principale et ex-directrice générale pour l’est du Canada de Cira Services Médicaux – une firme d’expertise médicale – qui donne un coup d’éclat à la femme de son époque. Membre du club sélect des 100 femmes les plus puissantes au Canada, elle incite la gent féminine à sortir de sa zone de confort afin de viser plus haut, plus loin à travers La Gouvernance au Féminin. Les objectifs de cet organisme à but non lucratif sont clairs : encourager les femmes, développer leur leadership, faire avancer leur carrière et, bien évidemment, siéger dans le monde plutôt viril des conseils d’administration d’entreprises, au sein desquels elle est une habituée depuis près d’une quinzaine d’années. Convaincue de la nécessité de donner plus de responsabilités aux femmes dans des compagnies, cette Montréalaise d’origine libanaise, dont l’énergie et la coquetterie sont à faire pâlir d’envie une jeunotte, tisse tranquillement sa toile de la gouvernance depuis 2010 avec des femmes – et même des hommes – pour qui le défi repose sur l’aboutissement de la parité des sexes au niveau décisionnel, ainsi qu’au changement de mentalité et de société. Un défi de grande envergure.
De quoi peut-on anticiper voir habillée Caroline Codsi, une femme qui aime être sur son trente-et-un, un vendredi après-midi ? D’une tenue élégante et extrêmement chic, bien sûr. Mais alors, que fait-elle en tenue de sport ? Dans l’univers assez mouvementé des affaires, il vaut mieux trouver une solution pour ne pas perdre son adrénaline au quotidien. Les salles de mise en forme sont incontournables pour elle, au même titre que ses deux enfants, son bureau et ses collaborateurs. De l’énergie à revendre, elle en a au maximum. L’entrevue se déroule en quelques minutes seulement dans un restaurant en plein cœur du centre-ville de Montréal, dans une ambiance décontractée, mais très animée. Vous l’avez compris : cette extravertie a un grand flot de paroles, mais l’essentiel, elle l’a dit. C’est une femme qui court sans cesse après le temps, de nouvelles idées et de nouveaux défis pour l’avancement de la femme. S’arrêter ? Et pourquoi donc ? Elle a tellement en horreur l’ennui et la monotonie, chose qu’elle répète en boucle : « Je m’ennuie très vite et j’ai l’impression qu’il faut que je bouge. J’ai toujours besoin d’un nouveau projet. »
Donc, pas de temps à perdre. Elle jongle une multitude de tâches dans une même journée. Par exemple, parler du projet de loi C‑25 avec le premier ministre Justin Trudeau, qui lui a récemment accordé une audience privée. Puis, parcourir la pile de curriculum vitae sagement posée sur son bureau et nécessitant son sens critique avec la collaboration de son équipe, le but étant d’y dénicher la perle rare pour le poste de coordonnateur pour La Gouvernance au Féminin. Ensuite, quelque part en Amérique du Sud se trouve un organisme similaire au sien qu’elle doit aller rencontrer au mois de février. Avant de s’y rendre, organiser trois ou quatre réunions avec son équipe lui serait tout aussi fondamental. Et ce n’est pas tout ! Si l’exercice de gérer plusieurs tâches à la fois semble ne causer aucune entorse à cette femme ambitieuse, c’est notamment en raison de son besoin pressant de promouvoir les droits de la femme dans le but d’en arriver à une parité professionnelle. La tâche peut sembler rude parfois, mais cela ne constitue en aucun cas une barrière pour la fondatrice de La Gouvernance au Féminin, car elle y croit dur comme fer.
La Gouvernance au Féminin : un orchestre qui réunit sa cheffe et ses musiciens pour accomplir la mélodie de la parité hommes-femmes
« Inégalités entre l’homme et la femme en milieu professionnel ». Tout l’art du débat se trouve dans cet ensemble de mots aux allures farouches, mais qui doit pourtant être affronté par les décideurs et ceux ou celles qui en font des doléances. Et puisqu’hommes et femmes sont des acteurs incessamment appelés à collaborer ensemble pour l’excellente marche des sociétés modernes, une femme s’exprime : Caroline Codsi, treize lettres optimistes et tenaces à leur cause tel le court refrain d’une chanson qui se répète en boucle et qui n’est pas prêt à vous lâcher la cervelle et la conscience de sitôt !
Forte des six ans d’existence de cette organisation en plein essor, sa fondatrice est moulée dans une combinaison arc-en-ciel, c’est-à-dire qu’elle est ouverte à toutes les couches de la population québécoise, aux femmes et aux hommes de toutes les origines et soucieux du progrès de la parité des sexes.
La première chose que l’on remarque lorsqu’on discute avec cette Montréalaise est l’accent qu’elle met sur les mots « femmes », « hommes » et « ensemble », tous assez conjointement placés. Avec un conseil d’administration paritaire, La Gouvernance au Féminin reflète les choix qu’elle s’est imposés. C’est donc un « mouvement basé sur le fait que ce sont les hommes et les femmes qui travaillent ensemble pour rêver d’une société plus juste, plus équitable et plus égalitaire. Une société qui va être plus performante, parce que c’est la complémentarité des talents entre les deux sexes qui va engendrer de meilleures décisions, et parce que nous n’avons pas les mêmes points de vue et perspectives. C’est comme ça que nous façonnons le meilleur point de vue », comme le dit sa fondatrice et directrice générale, pas peu fière. La Personnalité de l’année 2014 n’ouvre donc la porte ni aux discriminations, ni au sexisme, ni à d’autre courant pouvant aller à l’encontre de la politique de son entreprise.
Depuis 2010, cette organisation a un concept bien à elle, qui est de vouloir que les femmes siègent dans les conseils d’administration tout en les encourageant à aspirer à des postes exécutifs et à assumer les responsabilités professionnelles afférentes. À son avis, il est tout à fait normal que l’homme et la femme s’investissent tous deux dans leurs activités professionnelles et privées pour trouver un bon équilibre. Toujours dans le même ordre, Caroline estime qu’aucune tâche ne devrait être affectée seulement et obligatoirement à un seul partenaire, à l’exemple des tâches ménagères qui ne doivent pas être un frein à la femme ambitieuse. C’est l’expérience qu’elle a acquise très tôt : « J’allais à mes réunions, à mes conseils et à mes autres actions accompagnée de mes deux enfants âgés à l’époque de 7 et 8 ans. Je les ai élevés alors que leur père se trouvait sur un autre continent », se rappelle-t-elle.
Aussi est-il normal pour cet organisme de planifier plusieurs conférences et évènements durant l’année, portant sur divers thèmes en lien avec l’inspiration et l’avancement de la femme, et accueillant régulièrement des personnalités québécoises, canadiennes et internationales de grande renommée.
La personnalité de Caroline Codsi est de ne pas rester les bras croisés en attendant que la manne tombe du ciel. Aussi, la lutte pour le progrès de la femme étant son cheval de bataille, elle y réunit tous les moyens nécessaires.
Ainsi, au lieu d’aller jaser du temps qu’il fait avec le premier ministre Justin Trudeau le 3 novembre 2016, elle a plutôt choisi de parler du projet de loi C‑25 relatif à l’avancement de la femme dans les entreprises. Alors que ce projet de loi demande aux compagnies de dévoiler ce qu’elles ont prévu pour favoriser l’avancement de la femme, Caroline le critique vertement en proposant plutôt d’imposer des quotas au sein des entreprises, comme cela semble réussir à certains pays européens tel la France. Et si elle évoque la notion de quotas pour respecter la parité, c’est que la « situation est à son comble – seulement 15,9 % de femmes siègent à des conseils d’administration au Canada ». C’est d’ailleurs ce constat qui l’a poussée à créer La Gouvernance au Féminin.
La genèse d’un oiseau migrateur, témoin des réalités sur le terrain
Caroline Codsi passe le clair de son temps à identifier ce qu’il y a de mieux pour La Gouvernance au Féminin, dont elle tire les ficelles depuis 2010 en parallèle avec d’autres postes exécutifs qui lui étaient confiés. Toutefois, le 14 novembre 2016, jour de son anniversaire, reste un « moment clé parce que c’est l’année qui m’amène vers mes 50 ans et où j’ai décidé que mon objectif était vraiment de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour atteindre mon but », dit-elle. Alors, la femme de 49 ans « décide que je vais me consacrer exclusivement à La Gouvernance au Féminin », en renonçant à son ascension prometteuse et fulgurante, ainsi qu’au compte en banque bien garni que lui assurait son poste au sein de Cira Services Médicaux.
Il y a forcément une raison qui explique autant d’adrénaline et d’engagement pour la cause des femmes. Certes, son intérêt pour la direction a toujours existé. Or, durant l’année 2009, elle a suivi un cours en gouvernance et ce fut le son de cloche. En plus, siégeant à de nombreux conseils d’administration d’organismes à but non lucratif depuis 15 ans, Caroline – à qui tout semble réussir à force de travail, de persévérance et d’optimisme – découvre alors le pot aux roses sous une forme interrogative : où sont les femmes dans les conseils d’administration ? La fondatrice de La Gouvernance au Féminin réalise alors que « selon les statistiques, les femmes sont extrêmement sous-représentées dans la prise de décisions dans les entreprises ». En 2010, sa préoccupation face à cette carence « ridicule » l’amène à fonder sa propre organisation. Un coup de poker qui a l’air de bien fonctionner.
Cette nouvelle aventure est d’ailleurs « victime de son succès », d’après sa fondatrice. Celle-ci sait s’entourer d’une équipe avec laquelle elle travaille au quotidien, tout en générant de plus en plus de sympathisants au Québec. Le dernier gala à guichet fermé de cet organisme a attiré près de 450 personnes. Une équipe d’organisation motivée, 55 bénévoles et quatre comités assurent également le service proposé aux participants.
Ce parcours audacieux appartient à Caroline Codsi. Née au Liban dans une famille modeste et une atmosphère de guerre, elle et ses parents sont obligés d’enchaîner jusqu’à « huit déménagements internationaux en 15 ans – soit entre l’âge de 7 et 22 ans – sur trois continents ». D’abord, venir au Canada. Ensuite, retourner au Liban, puis aller à Nice et à Paris, en France, pour enfin revenir à Montréal. C’est une époque où les valeurs de solidarité, d’amour, de dépassement de soi, de courage et de résilience, transmises par ses géniteurs, s’enracinent dans les gènes de cette Montréalaise au grand sourire. Alors qu’elle est en France pour étudier sans sa famille, ses forces ne s’amenuisent pas : elle occupe deux petits emplois pour survivre, en tout en poursuivant ses études universitaires. Exigeante envers elle-même, elle se lance dans un cursus quelque peu atypique – diplôme d’études universitaires générales (DEUG) en langue, certificat en ressources humaines, formation pour administrateurs de sociétés – avec une passion à l’image de sa personnalité.
Aux jeunes hommes et femmes qui aimeraient se lancer en affaires, pas de grand discours, mais seulement quelques mots : travail, travail, travail (elle y met un accent particulier), courage, résilience, audace. Ce sont sans doute toutes ces attitudes à adopter qui ont gardé sa flamme allumée pour les affaires et pour sa forte croyance en elle.
Viser l’excellence en bravant ses peurs est l’outil principal pour réussir dans ce que l’on entreprend de faire, semble résumer en d’autres termes Caroline Codsi. En fine dirigeante engagée, passionnée et fonceuse, elle s’investit corps et âme dans son organisme et fait preuve d’une détermination à toute épreuve pour assurer l’avancement de la femme dans la société québécoise et canadienne.
Caroline court, mais elle ne perd pas le nord ! Elle a rêvé d’une chanson et depuis 7 ans, cette « dirigeante inclusive » l’écrit d’un commun élan avec des hommes et des femmes conscients du potentiel inimaginable et bouleversant des épouses, des sœurs, des filles, des amies, potentiel qui peut parfois être endormi dans les consciences collectives qui se jouent chaque jour dans les coulisses et sur la scène de la vie sociétale. Caroline Codsi et La Gouvernance au Féminin pourraient être truffées de surprises. La preuve : l’audace, l’optimisme, le courage et le travail ne sont plus seulement que des mots pour simple usage, mais des mots qui accompagnent la concrétisation d’une cause majestueuse.
Quelques pépites sur Caroline
- Les mots qui vous définissent ? Audace, courage, résilience, persévérance, pitbull (c’est-à-dire que je ne lâche jamais quand un objectif n’est pas atteint).
- Quel type de leader êtes-vous ? Inclusif. C’est important que les gens se sentent investis d’une mission avec moi. Je nomme des coprésidents dans chacun de mes comités. Je veux qu’ils dirigent et non qu’ils suivent. Je veux créer des leaders, je veux créer de la pérennité.
- Qu’est-ce qui vous pousse à aller toujours plus loin ? C’est un besoin. Je m’ennuie très vite et j’ai l’impression qu’il faut que je bouge. J’ai toujours besoin d’un nouveau projet.
- Combien d’enfants ? Deux, une fille et un garçon.
- Qui est le chef de la tribu chez vous : vos enfants ou vous ? C’est moi, bien sûr !
- Vous arrêtez-vous souvent ? Non, je ne m’arrête jamais.
- Comment faites-vous pour trouver des moments de détente à travers vos activités professionnelles ? Mon rythme peut causer le burn-out chez certains et aller de soi pour d’autres. Chacun vit son équilibre différemment. Je fais beaucoup de voyages pour La Gouvernance au Féminin et j’en profite pour visiter et décompresser.
- Si vous deviez recommencer vos études, que feriez-vous différemment ? J’aurais fait des études en droit comme ma fille. Mes études sont décousues. J’aurais voulu avoir un diplôme dans un seul domaine comme le droit ou la comptabilité.
- Aimez-vous le mot folie ? Ah oui, toujours. Sinon, la vie est ennuyeuse.
- Votre marque de sac à main préférée ? J’achète du Prada, Dior… mais ma préférée reste Chanel. C’est l’accessoire pour lequel je suis très exigeante. Pour les vêtements, je mets un peu de tout.
- Le bijou incontournable pour vous ? Ma montre.
- Votre couleur préférée ? Le rouge.
- Si l’on dit Montréal, que vous vient-il à l’esprit ? Cette ville représente pour moi la sécurité d’abord. Ensuite une ville multiculturelle. Donc, je me sens chez moi, même si je ne suis pas comme tel chez moi. Je l’ai adoptée, elle m’a adoptée, mais c’est surtout de ne pas avoir d’inquiétudes.
- Si l’on dit Liban, à quoi pensez-vous ? Mer Méditerranée, soleil, famille, bien manger. Mais je pense aussi à la guerre et à la destruction.
- Votre ingrédient préféré dans les plats libanais ? Le kebbé nayé.
- Comment dit-on « Je t’aime » en libanais ? Pehbak pour un homme. Pehbik pour une femme.
- Comment dit-on « Merci » ? Choukran.
- Un mot pour conclure ? Merci beaucoup. Ça a été très enrichissant. J’espère que cet article va inspirer des gens à se surpasser.