Jamais l’un sans l’autre depuis 2010 « même pour aller chercher une cigarette ou une bouteille d’eau ». Coups d’oeil amoureux et sourires complices, ils aiment la vie, leur travail et les voyages …l’image du couple parfait marié depuis trois ans qui semble savoir ce qu’il veut et c’est très bien pour eux ! Car ils ont des rêves comme tout couple normal. Ils, ce sont Enzo et Aymeric ayant quitté la France pour venir s’installer au Québec. Fraîchement arrivé dans la métropole montréalaise il y a environ dix mois, ce couple homosexuel caractérisé par des convictions très fortes nous livre un discours sur leur intégration sans faille au Québec.
Quelques minutes de transport et nous voilà avec les tourtereaux ! Deux poignées de main ouvrent la voie à la sympathie et à l’ouverture d’esprit. Ils ont tous les deux 25 ans, s’empressent d’être avenants en disant bonjour, partagent plusieurs intérêts ensemble et surtout, ne badinent pas avec l’amour. À l’heure où une partie de la modernité actuelle voit comme tabou l’amour entre deux personnes de même sexe, ces deux-là ne reculent devant rien pour chercher des possibilités d’adoption d’enfant et d’une vie agréable dans un ailleurs sûr et paisible. Dans leur pays d’origine, la liberté, la fraternité et l’égalité en réalité ne s’appliquaient pas à tous : les démarches administratives pour l’adoption étaient herculéennes pour les couples homosexuels voulant fonder une famille. Car le désir d’avoir un enfant menait de nombreux candidats à l’adoption dans un véritable parcours difficile et incertain. Originaires de la Haute-Savoie plus exactement dans la région de Thonon-Les-Bains, leur premier passage au Québec de décembre à janvier 2013 n’était que ludique. Mais cette fois-ci ils ont choisi de s’y installer pour vivre pleinement leurs libertés : celle de vivre leur amour, de partir et venir sans être jugé, d’adopter un enfant en lui offrant un foyer et un avenir certain. En somme, « la liberté d’être heureux comme tout humain », martèlent-ils avec énergie.
C’est ainsi que naît l’envie d’épouser le modèle d’intégration canadien
C’est désormais bien connu, le quartier Côtes-des-Neiges fait partie intégrante des places pour vivre les plus sollicitées par les immigrants. L’immersion totale dans ce coin de Montréal a permis à ces résidents permanents non seulement d’y habiter et de côtoyer les nouveaux arrivants, mais également d’y exercer leur emploi dans un salon de thé et boulangerie. Au nom de la loi d’attraction, les deux se retrouvent à faire de la restauration malgré leurs parcours académiques différents. Enzo est détenteur de plusieurs diplômes en tant que serveur et maître d’hôtel ayant exercé en France et en Suisse. Tandis que son conjoint Aymeric est titulaire d’un baccalauréat professionnel pour être paysagiste. Aujourd’hui, Côtes-des-Neiges est devenu le lieu par excellence pour évoluer dans leur processus d’intégration. Selon Enzo « c’est l’endroit où ils vivent beaucoup et où ils s’intègrent depuis leur débarquement dans la province. Ça représente le Canada et le Québec » affirme t‑il avec enthousiasme. Sans jamais oublier d’où ils viennent, ils ne tarissent pas d’éloges à l’égard de leur pays d’accueil.
« à la fin nous sommes tous pareils et courons après un seul et même souhait : vivre en paix dans le respect de soi et des autres. »
Chaque nouveau jour qui se lève leur permet de mesurer leur bonheur au quotidien. Une semaine seulement après qu’ils aient posé leurs valises sur le sol québécois, ils trouvent du travail dans leur domaine qui est la restauration, ainsi qu’« un bel appartement dans un quartier qui leur plaît », tout cela se passe sans aucune embûche. Leur parcours québécois n’a connu jusqu’ici aucune frustration, ni de privation. Ne connaissant personne à Montréal et pour le souci de socialiser, ils se sont fait de nouveaux amis tant au travail que dans leur vie personnelle. Comment expliquer ce phénomène qui peut s’avérer parfois rare pour des homosexuels ? Enzo et Aymeric ouvrent leur esprit aux gens qui sont également ouverts d’esprits. Ils ne visent pas au premier chef ceux qui sont comme eux. Mais plutôt, ils s’adaptent à tout le monde, aux différences et acceptent de trottiner sur leur bout de chemin avec ceux qui les respectent, comme eux le font envers autrui.
Tous autour d’un thé et bouteille d’eau pendant la rencontre, l’on réalise après quelques minutes seulement qu’ils en savent énormément sur le Canada et semblent avoir le talent pour tout décrire avec une émotion fascinante : ses produits hors taxes, son architecture, son hiver, ses grosses voitures, ses buildings, sa bouffe, ses vêtements moins chers quand ils valent le double du prix en France et inversement, sa chanteuse Céline Dion, bref, « l’Amérique comparée à l’Europe. Tout est gros ». Ces deux jeunes gens poussent leur admiration même dans les petits riens comme un petit parc. Ayant recensé toutes ces choses qui les séduisent au Canada, ce couple se rend compte, au fur et à mesure que le temps avance, qu’ils s’attachent de plus en plus à « leur nouvelle destination ».
Enzo et Aymeric : La force tranquille née de la différence
Derrière les déclarations faites par ce couple au moment de l’interview se cachent la douceur irréversible de Aymeric et la personnalité assez active de Enzo. Ces deux traits de caractère opposés sont le socle même de leur amour et de leur richesse. À ce propos, Aymeric dira : « C’est la complémentarité. Enzo est plus intense, plus carré. Moi je suis calme », et son conjoint d’ajouter : « Il sait me temporiser. Peu importe la situation, je suis beaucoup plus enclin à vouloir abuser. On est un peu comme le Yin et le Yang ». C’est avec évidence que ces mariés choisissent de montrer que leurs différences les enrichissent peu importe leur tempérament, et que ces maximes devraient aussi accompagner ceux qui discriminent à cause de la couleur de la peau, de la situation sociale, des origines, ou de tout autre choix parce qu’ « à la fin nous sommes tous pareils et courons après un seul et même souhait : vivre en paix dans le respect de soi et des autres .»
De confession catholique, les deux se réjouissent de vivre dans un pays assez respectueux du droit à la différence et qui ne discrimine pas les homosexuels. Du moins, ils sont ravis de voir que cette animosité envers des personnes aimant celles de même sexe ne soit pas très évidente par rapport à la situation qui prévaut en France caractérisée par des manifestations anti gai. De même, les craintes qu’ils avaient sur les québécois avant leur première escapade au Québec se sont révélées être fausses car selon eux, « ce sont des gens gentils et ouverts d’esprits ».
Enzo et son conjoint semblent vivre un conte de fées canadien, et avec raison, ceci en vertu de la politique québécoise de lutte contre l’homophobie. Cette dernière leur accorde de ce pas plusieurs droits fondamentaux notamment celui qui autorise l’inscription des noms de deux mères et de deux pères sur l’acte de naissance de l’enfant. Une mesure qui apaise largement ce jeune couple. Néanmoins, le tableau général de l’expérience canadienne que brossent ces jeunes personnes n’a pas toujours été aussi doré dans le passé. Alors que la discrimination envers les personnes homosexuelles bat son plein dans leur pays d’origine, ils se voient dire toutes sortes de paroles peu élogieuses du genre : « vous irez tous en enfer » ou encore des remarques sur leur inaptitude à accoucher d’un enfant. Toutes ces paroles qualifiées de « méchancetés gratuites » par Enzo, jalonnent leur vie certes, mais ne sont jamais parvenues à les déstabiliser, les amener à baisser les bras ou à les décourager de s’aimer.
Le fait qu’Aymeric et Enzo choisissent de parler de leurs parcours et expériences est un cri, un appel à la tolérance, à la liberté de tous les humains quels qu’ils soient. Ils sont conscients que l’homophobie existe et qu’elle est une plaie béante qui pourra guérir seulement par le dialogue et la tolérance. Leur défi d’intégration au Québec est relevé avec brio, ils en sont fiers et continuent de s’émouvoir face à toute nouvelle découverte. À ceux qui ont peur d’afficher leur homosexualité, ils les exhortent d’avoir le courage de le faire et de le dire au moins aux gens de confiance, comme ce fut le cas pour eux avec leurs familles respectives qui ont bien reçu la nouvelle. La détestation pour ces personnes de même sexe ayant des sentiments l’un pour l’autre pourrait être assimilée à l’une de ces innombrables illustrations de tout ce qui dépasse l’entendement humain. À la question de savoir à quel moment ils ont su qu’ils n’étaient pas attirés par les filles, Aymeric et Enzo ont répondu candidement tous les deux au même moment : « depuis le bas-âge ». Face à cette réponse donc, peut-être l’occasion de se poser la question suivante : pourquoi s’encombrer d’interminables couches de critiques, de jugements, d’insultes face à ce que l’Homme n’a pas crée ? Sans doute, encore l’une de ces questions difficilement résoluble à l’instar des trois questionnements du célèbre Peintre postimpressionniste Paul Gauguin : D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Encore là, le débat risque de ne pas être une règle générale et revendiquer la diversité.
Quelques pépites sur Enzo et Aymeric
- Leur pâtisserie préférée : Aymeric : la tarte aux pommes de sa grand-mère. Enzo : la religieuse au café.
- Les sujets qui leur tiennent à cœur : Enzo et Aymeric : le respect, l’amitié, la famille, chacun pour l’autre, le Québec. Enzo : en plus de sa sœur.
- Leur chanteuse préférée : Céline Dion.
- Leur festival préféré : Le festival juste pour rire (surtout pour Aymeric).
- Les avantages de travailler en couple dans une même place : Leurs regards se parlent et se comprennent. Ils sont capables de rester professionnels.
- Leur livre préféré : Le Seigneur des anneaux (pour Enzo).
- Le plus taquin : Alternance entre les deux. Ça dépend des jours.
- Leur style vestimentaire : Classique.
- Les places qu’ils aiment visiter à Montréal : Le parc Jean-Drapeau sur les bancs publics et L’Oratoire Saint-Joseph et ses nombreuses marches. Ces deux places offrent l’une des plus belles vues sur la ville de Montréal.