Si pour arriver au camp des réfugiés de Kakuma il faut forcément emprunter un transport aérien, alors considérez que ces jeunes Montréalaises ont fait le contraire ! L’histoire de Jaelle, Illina, Sam et Géraldine, toutes réunies, est un quatuor d’exception fasciné par l’altruisme depuis leur tendre enfance. C’est l’histoire d’une amitié, d’un engagement, d’un esprit de solidarité qui perdure, des années primaires jusqu’aujourd’hui au Collège Notre-Dame de Lourdes située dans la métropole Longueuilloise. Du haut de leur 15 ans et impliquées dans plusieurs projets notamment le Projet Kakuma, ces jeunes consciences quelque peu timides considèrent qu’il n’est jamais trop tôt pour aider son prochain, encore mieux pour secourir les filles de Kakuma, un gigantesque camp de réfugiés situé au Kenya. Via le programme international de premier cycle de secondaire donné par leur collège en collaboration avec l’entreprise Morneau Shepell, ces jeunes adolescentes du secondaire 3, dont les visages illuminent d’enthousiasme, de maturité et d’empathie, en font plus que ce que demande ce programme et restent enveloppées par un but précis : construire une école secondaire et envoyer du matériel scolaire aux grandes filles de Kakuma éprouvant clairement l’envie de continuer leurs études et présentant de sévères difficultés en éducation. Portrait de ces collégiennes convaincues de l’utilité de l’entraide, de l’éducation pour tous, du bénévolat « pour faire la différence dans le monde » quel que soit leur temps d’études.
Nous sommes en avril. L’après-midi est très doux en cette journée printanière dans le métro Longueuil où se côtoient des passagers jeunes et moins jeunes, tout ce qu’il y a de plus ordinaire, diraient alors certains. Mais c’est aussi la journée de l’engagement : Jaelle, Illina, Sam et Géraldine, dans leurs tenues de classe, se mobilisent pour les adolescentes du camp de réfugiés kenyan fuyant la guerre civile de part et d’autre. Elles cherchent à persuader quelques mains généreuses de l’utilité de collecter de l’argent pour favoriser l’éducation des filles de leurs âges confinées dans des campements. Sa mission ne semble pas très évidente mais le quatuor a confiance que la générosité n’est pas un mot vain. Collées à leurs pancartes et mini caisse à la main, martelant à plusieurs reprises des phrases qui interpellent, elles parviennent alors à récolter quelque monnaie laissée par ceux qui sortent ou qui se dirigent vers la bouche du métro. Un point intrigue cependant : qui sont-elles et pourquoi sont-elles si assidues et enthousiastes dans leur mouvement ? Bref regard sur ces demoiselles, symbole d’une jeunesse qui fait partie du monde et qui veut passer à l’action à son niveau dans le cadre du programme scolaire et même au-delà.
Les désormais jeunes philanthropes du Collège Notre-Dame de Lourdes et le Projet Kakuma
Évoquant leur fort attachement au collège, les 4 jeunes étudiantes le considèrent comme un endroit « où elles sont fières de passer le clair de leur temps. » À l’intérieur de cet édifice, que ce soit « la bibliothèque, la cafétéria, les salles de classes, les casiers, la mezzanine, comme le relate Jaelle, chacune est reliée à ces lieux d’une façon particulière qui la touche, qui lui est important. » En d’autres termes, plusieurs années d’enseignement les lient aux valeurs véhiculées par le collège ayant mis en place le Projet Kakuma dans le cadre du baccalauréat international. Des valeurs qui se traduisent par « la curiosité intellectuelle, les connaissances et la sensibilité nécessaires pour contribuer à bâtir un monde meilleur, dans un esprit d’entente mutuelle et de respect interculturel. » C’est donc dans cette âme que le programme « encourage les élèves de tout pays à apprendre activement tout au long de leur vie, à être empreints de compassion, ainsi qu’à développer les capacités intellectuelles, personnelles, émotionnelles et sociales nécessaires pour vivre et apprendre à travailler dans un contexte de mondialisation rapide », affirme l’Organisation du Baccalauréat International sur le site du collège. Voilà qui promet de porter espoir !
Devant les conditions de vie difficiles des réfugiés, Sam, Géraldine, Illina et Jaelle affichent une sensibilité particulière et une grâce communicative. Autant dire qu’elles investissent temps et argent pour essayer de transformer la vie de ces jeunes réfugiées tenaillés par la souffrance.
Les œuvres reconnaissables des 4 jeunes philanthropes se manifestent entre autres par les collectes de fond. Faire appel à la générosité du public dans un métro n’est pas habituel pour ces jeunes filles « timides » à la voix douce au débit tranquillisant. « Nous ne sommes pas des filles extraverties. Les gens ne nous connaissent pas assez. On est plus du genre à écouter autrui. Des fois, c’est difficile d’aller vers les autres demander de l’argent. On l’a fait une fois, mais on verra. Vu que l’école est proche du métro Longueuil, il nous a été facile de le faire là », avouent-elles avec un élan constant d’idées novatrices qui permet de parler davantage des filles de Kakuma.
Rendez-vous compte ! Leur quête ne s’arrête pas là. D’autres gestes frappants se succèdent dans leur entregent parce qu’ « elles tiennent à cœur l’éducation » et que, « sachant qu’à 7 ou 8 heures d’avion d’ici, il y a des filles comme nous qui ne sont pas capables d’avoir accès à l’éducation. Ça nous frappe. On le savait oui, mais être impliquées de cette façon-là nous met clairement dans le contexte de ce qu’elles vivent et ça nous ouvre les yeux sur ce qui se passe ailleurs en dehors de ce que nous voyons dans les médias », précise cette petite équipe forte ayant un plan d’action bien défini. L’autre dimension de l’opération consiste donc à publier sur les réseaux sociaux tous les évènements auxquels elles participent. Également, ce quatuor peut compter sur leurs camarades du collège pour faire du bouche à oreille. À chacun ses moyens de bord pour conscientiser des personnes !

Compte tenu de l’indigence remarquable des refugiés, Illina, Sam, Géraldine et Jaelle ont vite compris que créer des liens d’échange, d’amitié avec ces défavorisés est encore plus impactant dans les vies. Les collégiennes de Notre-Dame-de-Lourdes ne font rien à moitié : dans leurs diverses correspondances avec les jeunes filles réfugiées au Kenya, elles décrivent leur club humanitaire, les différentes saisons, leurs amis, leurs familles. Une attitude qui surprendra moins celui qui prendra le temps de connaître vraiment ces quatre bénévoles humanitaires.
J’aide donc je suis
« Des fois, donner juste 30 ou 40 minutes de ton temps à quelqu’un voulant du secours, écouter cette personne, aller la voir puis lui parler peut faire toute la différence dans sa vie », explique Géraldine et ses copines. Ces dernières ont été formées à l’école de la solidarité qui se veut, qui se conçoit, qui se concrétise. Associant la mission du club humanitaire aux conséquences qu’elle engendre sur elles et sur les jeunes filles réfugiées avec qui elles sont en contact, elles diront à ce propos : « Il peut arriver que quelqu’un veuille aider. Mais on n’est juste perdues. C’est facile de dire que l’on est une bonne personne, c’est tellement un terme vague. C’est encore mieux de joindre l’action à la parole. Donc s’impliquer dans un club avec des filles aussi passionnées que nous, ça nous aide à grandir et à comprendre que c’est ça aider une personne. »
À la question « Ne trouvez-vous pas que votre ambition de venir en aide s’est baladée extrêmement loin puisque le Kenya n’est pas le quartier d’à côté, c’est un pays se trouvant sur un autre continent ? », elles répondent à juste titre : « Même si le Kenya est loin, nous trouvons une proximité d’âge avec les jeunes filles du camp de Kakuma. Il est facile de les aider parce que leurs besoins sont précis : elles veulent juste de l’aide, peu importe la nature de celle-ci, ça les rendra tout simplement heureuses. Puis sachant que nous sommes nées dans un milieu plus aisé, il devient important d’aider ces réfugiés-là. » Et c’est ainsi que ces quatre jeunes étudiantes marquent leur empreinte dans le vaste champ des personnes défavorisées dont elles défendent la cause depuis des années.
Une solide amitié s’est nouée entre Géraldine, Jaelle, Sam et Illina, des années bien avant le club humanitaire de leur collège. Rien à craindre pour leurs notes scolaires car ces jeunes filles excellent autant dans l’humanitaire qu’en classe. Pour se motiver entre elles, il existe alors une rigueur absolue consistant à faire leurs devoirs à temps, et à le rappeler à celle qui ne remplirait pas ses responsabilités.
À l’image des valeurs portées par l’établissement scolaire, elles ont été séduites dès leur plus jeune âge par le secours aux personnes en manque, ce qui rejoint parfaitement leurs activités charitables.
Très vite, le bénévolat et le partage fascinent chacune individuellement. Jaelle, elle, dit aider les gens et faire du bénévolat à Montréal. Géraldine, quant à elle, est pleinement impliquée dans le monde des enfants autistes dont elle déplore « leur rejet et leur crainte par certains jeunes. » L’argent qu’elle rassemble lors des collectes de fonds aiderait dans l’accompagnement des enfants autistes par plus d’éducatrices spécialisées. En ce qui concerne Sam, celle-ci est toujours prédisposée à donner un coup de main « car des gestes simples lui procurent du bonheur ». Finalement, Illina et sa famille sont abonnées à la donation lors des collectes de fond. Au plus près de cette brève histoire, tout semble avoir été dessiné pour que ces quatre petites filles tendent leur main aux réfugiés du camp de Kakuma par l’entremise, d’une part de leur personnalité et identité généreuses innées, et d’autre part en raison de l’éducation offerte par le Collège Notre-Dame de Lourdes.
À quoi va ressembler le monde de demain ? Nul ne le sait à priori. Mais malgré cela, il est tentant de dire qu’il sera peut-être aux tons bleu turquoise, vert, mauve, rose, toutes les couleurs préférées de ces collégiennes. Des couleurs résolument joyeuses dont on a l’impression qu’elles se jettent à bras ouverts sur les personnalités de Sam, d’Illina, de Géraldine et de Jaelle et qui font plonger sans hésiter dans les eaux de l’espoir. À travers leur conscience, leur cœur, leur bonne volonté, leur entrain, leur maturité précoce, elles voyagent au travers des actions qu’elles posent, écoutent calmement des besoins des réfugiés et essayent à leur niveau de les aider à rester debout par le biais de l’éducation. Elles ne rêvassent pas du tout car elles ont en tête « que changer le monde est très gros ». Leur objectif est de tout simplement « faire une différence » dans « un monde qui a mal et sur lequel il faut donner un peu d’aide pour guérir », rassurent-elles. En s’adressant particulièrement à la jeune génération, leur message fait corps avec un monde meilleur dont l’existence n’est possible qu’en faisant des petits gestes généreux au quotidien.
Avez-vous vu passer les quatre fillettes à l’allure Mère Térésa ? Elle est bien là, la différence !
Quelques pépites sur Illina, Sam, Géraldine et Jaelle
- Arrivez-vous à gérer l’école et le projet Kakuma à la fois ? Oui. Sans problème.
- Rêvez-vous de changer le monde ? Oui. Plus exactement, nous voulons faire une différence car changer le monde est très gros.
- Un monde qui est beau ressemble à quoi, selon vous ?
Jaelle : le monde idéal, c’est un monde ou l’égalité est importante. Mais pour avoir cette égalité, il faut que les gens essaient de comprendre les autres. Un monde idéal est celui où tout le monde fait des efforts pour comprendre les autres.
Géraldine : mon monde idéal n’est pas un monde parfait parce que je trouve qu’on n’est pas des êtres parfaits. Ça sera juste une place où tout le monde peut être qui il est, faire ce qu’il veut en respectant les autres évidemment. Une place où nous formons tous une grande famille.
Illina : c’est celui où tout le monde est égal, où tout le monde a les mêmes chances dans la vie, pas nécessairement seulement en Afrique ou en Amérique, mais partout.
Sam : un monde idéal est celui où personne ne juge, où personne ne se compare. On ne peut pas ressembler aux autres. - Avez-vous l’impression que les adultes font ou ne font pas assez ?
Jaelle : À mon avis, tout le monde est capable de faire plus. Aussi, je pense que le monde est quand même en évolution, on est tout le temps en perpétuel changement. Ça va de mieux en mieux, les adultes sont de plus en plus conscientisés. C’est sûr que nous, notre génération aimerait que cette conscientisation prenne plus d’ampleur. Mais nous sommes aussi conscients que le monde est un peu égocentrique. Sinon, les adultes autour de nous en font sincèrement assez.
Illina : Je pense que ceux qui ont plus de chance de donner devraient le faire plus car il y en a qui en ont peu et qui aident plus, et ça, je trouve que c’est inégal. - Vos couleurs préférées ?
Jaelle : bleu turquoise
Géraldine : rose
Illina : mauve
Sam : vert - Parmi vous 4, qui est la plus drôle ? Sam
- Les mots que vous aimez le plus ?
Jaelle : entraide, justice.
Géraldine : récapitulatif, accepter.
Illina : amitié, personnalité.
Sam : passion, liberté. - Vos loisirs préférés ?
Jaelle : aider les autres parce que c’est pas mal ma vie présentement.
Géraldine : danser.
Illina : danser.
Sam : danser. Être avec ma famille et dans la nature. Juste écouter les sons dans la nature. - Vos modèles dans la vie ?
Jaelle : personne en particulier. Je prends toujours quelque chose de bon chez chacune des personnes que je connais. Ce qui m’inspire le plus est notre cohorte, notre année qui est le secondaire 3 parce que chaque personne est unique et nos personnalités sont différentes, et donc chacun est inspirant à sa façon.
Géraldine : moi c’est ma prof de 3e année parce que c’est ma prof préférée. Elle m’avait toujours dit qu’on pouvait faire tout ce qu’on voulait. Je lui parle encore aujourd’hui alors qu’elle est à sa retraite. Elle m’avait appris qu’être gentil, puis juste être là pour quelqu’un peut changer sa journée. Elle avait autant de plaisir, d’enthousiasme à enseigner aux enfants. Elle était toujours là pour nous, impliquée.
Illina : ma prof de 1er secondaire Mme F. Cloutier. Elle restait toujours chaque soir après le théâtre et la danse.
Sam : c’est mon père. Il est tellement généreux. Les autres sont la priorité avant lui. - Comment vos amis (es) voient-ils votre mobilisation ?
Jaelle : d’habitude elles aiment ça mais souvent elles estiment qu’on est trop impliquées quand on ne peut pas partager ensemble des moments de jeux.
Géraldine : la phrase qui me revient souvent est : « mais que fais-tu de ta vie, pourquoi tu fais ça ? » Ils ne comprennent pas juste l’impact que ça crée. - Quel genre de métier aimeriez-vous exercer plus tard ?
Jaelle : j’aimerais aller en médecine. Être chirurgienne à l’hôpital Sainte-Justine pour enfants est mon rêve.
Géraldine : moi je souhaite devenir psychologue pour enfants autistes ou recherchiste pour ces enfants-là.
Illina : moi je ne sais pas encore, ce qui est sûr un métier en lien avec les enfants.
Sam : pour ma part, c’est soit médecine vétérinaire soit professeure de danse pour danseurs professionnels. - Quel genre de livres lisez-vous ?
Jaelle : je ne lis pas des livres pour ados. Certains auteurs américains et d’ici.
Géraldine : moi je déteste lire (rires), mais il y a certains livres que je relis sans arrêt comme Oscar et la dame rose d’Eric Emmanuel Schmidt.
Illina : les livres pour ados.
Sam : moi je lis des livres pour enfants parce qu’ils ne sont pas stressants. Ils sont zen. - Est ce qu’il y a des chansons que vous aimez fredonner ?
Jaelle : Human et A Thousand Years de Christina Perri.
Géraldine : Mercy de Shawn Mendes, My Heart Will Go On (La chanson thème de Titanic) de Céline Dion.
Illina : moi, j’écoute un peu de tout.
Sam : je danse beaucoup. Pour la chanson que j’écoute en ce moment c’est Mirror de Bruno Mars. - Si vous étiez des fées, que feriez-vous avec votre pouvoir ?
Jaelle : je rendrais tout le monde heureux.
Géraldine : je ferais une différence.
Illina : je rendrais tout le monde heureux aussi.
Sam : moi je ferais que tous les déchets se lèvent dans les airs puis qu’ils disparaissent. - Comment avez-vous trouvé l’entrevue ?
Jaelle : j’ai aimé parce que ça nous prouve qu’on ne s’intéresse pas seulement aux adultes. Ça nous montre aussi que ce que nous faisons est important.
Géraldine : moi c’est la première fois qu’on me fait une entrevue. J’étais très contente et c’était le fun !
Illina : j’ai beaucoup aimé et j’étais impressionnée. Puis ça fait différent des entrevues qu’on a l’habitude de voir.
Sam : les questions étaient beaucoup plus originales. Ça m’a vraiment fait penser à moi en tant que personne dans le monde. - Un mot pour conclure ?
Jaelle : j’aimerais qu’on continue à faire ce que nous faisons ensemble. Je trouve qu’on va bien ensemble et qu’on arrive à faire la différence. J’aimerais qu’on reste ensembles, ça c’est un vœu pour les 10 prochaines années.
Géraldine : je pense que ces filles réfugiées que nous aidons méritent vraiment ça
Illina : moi aussi, je souhaite que nous continuions d’aider le plus possible.
Sam : moi, je dirais que la distance entre les humains ne doit pas être une barrière.